Arrivée de l'ambassadeur russlave

Un diplomate russlave se présente au Ministère. Il se présente.

- Piotr Mikhailovitch Galitzine. Le Ministre de la Justice a émis le souhait de s'entretenir avec moi. Me voilà.

- "Madame la Ministre va vous recevoir tout de suite, Excellence" fit l'huissier plongé dans ses pensées. Il invita ensuite le diplomate à s'installer dans un fauteuil, lorsque la porte du bureau de Letizia Castelano s'ouvrit. Cette dernière fit sonn apparition dans l'antichambre, et s'approcha de l'émissaire russlave :

- "Excellence je suis ravie de votre visite. Je tiens d'abord à vous remercier pour votre déplacement si rapide au ministère, et tiens à travers vous, à saluer les autorités russlaves pour leur intérêt. Suivez-moi dans mon bureau, nous y serons mieux pour nous entretenir."

L'émissaire entra, suivi de la ministre qui, une fois la porte fermée, lui dit :

- "Bien, écoutez Excellence, je crois que la situation sur cette affaire est particulièrement sérieuse, néanmoins je n'ai pu pour l'instant avoir d'éléments précis. Vous comprendez aisément qu'il me faille connaître la position russlave afin de prendre les mesures adéquates. A l'heure actuelle, Monsieur Questa est entre les mains de la justice catamajorquaise, et assigné à résidence.Quelles sont les faits reprochés à M. Questa ? Et qu'attend la Russlavie dans cette affaire ?"

- Je vous remercie de me recevoir en ces lieux, Madame la Ministre.

Le diplomate s'interrompt pour contempler les lieux.
Malgré la Révolution et l'arrivée de nouvelles élites au pouvoir, le personnel diplomatique russlave reste celui de l'Ancien régime.
Comme beaucoup de ses collègues, Piotr Galitzine est un aristocrate élevé à l'ancienne, dans la fidèlité à la dynastie et à l'impérialisme tsariste.
Il poursuit:

- Les faits reprochés à M.Cuesta sont extremement graves. Il les a d'ailleurs avoué lui-même.
Il a organisé, dans le cadre de sa fonction ministérielle, une agression pure et simple de notre Nation.
Ce projet d'agression comprenait un attentat terroriste dans la ville de Tobolsk, le bombardement d'un de nos ports par la flotte catamajorquaise, et pour finir, l'encouragement d'une rebellion dans nos états du Kaukase.

Grâce à Dieu, nous avons été informé à temps, et nous avons pris sur le fait le terroriste en question, un pauvre moujik simple d'esprit, probablement rien de plus qu'un pantin.

L'Empire Russlave peut prendre cette tentative d'agression comme un acte du Royaume de Catamajorque, ce qui signifie la rupture de notre Traité... et la guerre.

Il y a t il des raisons de penser le contraire ?
Si c'est le cas, si M.Cuesta a agit seul et de manière clandestine, nous exigeons qu'il soit livré à la justice russlave qui statuera sur son sort.

En écoutant les propos de l'envoyé russlave, Letizia comprit qu'elle se trouvait face à un problème dépassant largement le cadre de la justice et que les relations diplomatiques entre les deux pays pouvaient en être bouleversées. C'est toutefois le visage apaisé qu'elle répondit :

"Je comprends les positions de votre pays Excellence. Les actes de M. Cuesta tels que vous me les décrivez sont en effet inqualifiables, et ce dernier semble plaider coupable ou du moins pour l'instant se montrer particulièrement honteux. Je souhaite sincèrement que cet incident se clôture.

Je crois qu'il nous faut d'abord savoir si M. Cuesta a agi dans le cadre de ses fonctions ou pas. Je suis convaincue que ce dernier n'a pas agi au nom du gouvernement de Catamajorque. Il n'a pas reçu d'ordre en ce sens, et la condamnation des actes de M. Cuesta par sa Majesté est claire. Toutefois, il importe de savoir si M. Cuesta a profité de ses fonctions ministérielles pour se livrer à ces actes barbares.

Dans ce dernier cas, il sera jugé par la Cour Royale de Justice catamajorquaise pour les actes commis en profitant de la fonction publique qui lui était accordée.

Une chose est sûre, il ne revient pas à la Catamajorque de juger des actes commis sur le territoire russlave. Néanmoins, il n'existe pas d'encadrement juridique de la procédure d'extradition pour l'instant, je vais donc réfléchir à un projet de loi dans ce sens.

Une autre solution consisterait à juger d'abord M. Cuesta pour outrage à sa fonction ministérielle, finalement ne pas juger du fond mais de la forme si vous préférez, et poser dans le cadre de ce procès une question préjudicielle à la Cour Royale de Justice pour avoir son interprétation sur la possibilité d'extradition au regard de la Constitution.

Je propose donc que M. Cuesta soit d'abord jugé par notre pays, et d'attendre une législation ou une jurisprudence claire sur l'extradition ici. Qu'en pensez-vous ?

Derrière son calme apparent, Letizia bouillonnait. Cuesta avait usé et abusé de sa fonction ministérielle, confiée par Sa Majesté, et le représentant étranger n'y voyait qu'une "peccadille".

Elle se leva et s'approcha de la fenêtre d'un air soucieux. Pendant plusieurs minutes elle sembla ailleurs, laissant son interlocuteur dans son fauteuil de velours. Elle se retourna finalement et reprit :

"Je suis Ministre de la Justice, et vous livre mes réflexions. Je considère l'utilisation de ses fonctions politiques pour l'accomplissement d'actes criminels comme une forme de trahison à mon pays. Et ce n'est pas une "peccadille".

Je vais faire inculper Cuesta pour atteinte à l'autorité royale dans le cadre de ses fonctions ministérielles. Mais pour l'instant, il est hors de question que Cuesta soit extradé sans autre forme de procès.

La procédure d'extradition doit être encadrée : réciprocité de la procédure, existence dans le pays requérant d'une législation relative aux faits reprochés à l'accusé et absence de motif politique. Je ne reviendrai pas sur ces conditions sans remettre en question mon intégrité et surtout celle de la justice de mon pays.

Pour le reste, je suis disposée à envisager un projet de loi sur l'extradition.

Le Prince Galitzine sourit, amusé. C'était la première fois qu'il voyait une femme ministre, et celle-ci se permettait en plus de lui tenir tête dans la négociation !
Décidément, ce pays recelait une foule de curiosités.
Piotr Mikhailovitch répondit sur un ton ironique tout en jouant avec le porte-cigarette qu'il avait sortit de sa poche intérieure:

- Et dites-moi, Madame, quelles sont les peines applicables au délit "d'atteinte à l'autorité royale dans l'exercice de ses fonctions" ?

"la mort, Excellence, la mort."

répondit froidement Letizia en se saisissant du porte-cigarette de l'émissaire.

- Dans ce cas... Mon Gouvernement accepte que Cuesta soit jugé chez vous, et renonce temporairement à l'extradition.

Par contre, il faudrait que nous puissions communiquer d'un procès à l'autre, puisque l'affaire Frostraia et l'affaire Cuesta sont étroitement reliées.
Il serait bien que la Russlavie puisse dépêcher un observateur du Ministère de la Justice au procès de M.Cuesta.

dit Galitzine en tentant vainement de récupérer son porte-cigarette.
N'y arrivant pas, il hausse les épaules, et sort son étui à cigarettes.
Il en propose une à la Ministre.

Letizia esquissa un petit sourire et accepta la cigarette de Galitzine, l'alluma et la porta à sa bouche. Laissant échapper un nuage de fumée, elle reprit :

Votre proposition est tout à fait acceptable, à la condition bien sûr que mon Ministère puisse également envoyer un observateur au procès de Frostraia, je crois qu'il était inutile de vous le préciser, Excellence.

Je savais que nous trouverions un arrangement dans cette regrettable affaire, Excellence...

dit elle en écrasant sa cigarette dans le cendrier posé sur son bureau.

Bien, puis-je me permettre de vous raccompagner, si vous n'avez rien à ajouter bien entendu. Votre compagnie m'est très agréable, mais j'ai des poursuites à lancer et un tas d'autres...peccadilles à terminer